Mission

Bien qu’officiellement fondée en 2014, l’association à but non lucratif ivoirienne « Conservation des Espèces Marines », ou CEM, a débuté ses actions dans les années 1990 avec la découverte des sites de ponte des tortues marines sur les plages de la côte sud-ouest de la Côte d’Ivoire, en particulier dans le district de Bas-Sassandra.

À l’époque, les communautés locales abattaient ces animaux et récoltaient les œufs pour les consommer ou les vendre sans connaitre la vulnérabilité de ces espèces et l’importance de ces sites pour leur cycle de vie. Nous avons donc travaillé avec ces communautés pour protéger les tortues et leur habitat tout en les épaulant afin d’améliorer leur qualité de vie en harmonie avec leur environnement.

Nous agissons désormais avec le soutien de divers partenaires locaux et internationaux, des autorités nationales et régionales, et des communautés locales pour :

  • Protéger les écosystèmes côtiers et marins, y compris les mangroves, les estuaires et embouchures de fleuves et rivières

  • Renforcer l’implication des communautés locales dans la conservation et le développement durable


L’équipe

Nom complet : José Gómez Peñate, né en 1967 en Espagne, docteur vétérinaire en 1992 par l’université Complutense de Madrid, je suis venu m’établir en Côte d’Ivoire en octobre 1993. En octobre 1997 pendant des vacances à Sassandra à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, j’ai vu une tortue luth qui avait été attrapée par des pêcheurs. C’était au port de pêche de Sassandra, en plein ville, elle n’attendait que d’être tuée et dépiécée avec les autres prises du jour, parmi lesquelles des espadons, des requins marteau et énormément de poissons. Je me suis demandé comment cela était possible, qu’aucun dispositif de protection n’existait malgré le fait que les tortues marines soient classées comme espèces protégées à l’échelle internationale et nationale.

 Quelques jours plus tard, la scène se répétait sur la plage de Monogaga : les pêcheurs avaient capturé une grosse tortue adulte, cette fois une olivâtre et se disposaient à la tuer.

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 Suite à cela, j’ai essayé de chercher des appuis pour mieux connaître la situation de ces espèces ; dans la littérature quelques mentions étaient faites sur leur présence supposée en Côte d’Ivoire mais rien de concret. Je me suis adressé a des potentiels bailleurs mais nulle part je n’ai eu une réponse positive. A l’étranger j’ai contacté Jacques Fretey (un expert français en tortues marines), qui m’indiquait ce qui devait être fait.

 Un événement majeur a été la tenue du Symposium sur la conservation des tortues marines de la façade atlantique de l’Afrique de l’Ouest à Abidjan en juin 1999. Grâce à ce symposium j’ai fait la connaissance de Angela Formia la personne qui a réellement aidé CEM jusque maintenant et aussi Jacques Fretey dont le principal apport a été qu’il a organisé une tournée d’une semaine sur la côte, accompagné d’Angela, de certains personnes du Ministère de l’Environnement (parmi lesquels Akoua Kouadio l’expert en lamantins décédé il y a quelques années) et moi-même, et ainsi il a pu déterminer que les plages autour de l’embouchure de la Dodo étaient le meilleur site de ponte de tortues marines en Côte d’Ivoire avec une fréquentation de tortues non négligeable sans être extraordinaire. Cette découverte m’a donné de nouvelles forces et j’ai pu enfin avoir un financement au début de l’année 2001 du Small Grants Program du PNUD/FEM, piloté par M. N’Guessan Cyriaque, mais toujours grâce à Angela que m’a donnée les points qu’il fallait inclure dans le projet.

 Avec ce financement on a pu commencer à étudier la situation des tortues marines dans la zone sud ouest de Côte d’Ivoire. Deux étudiants en DEA (Diplôme d'Etudes Approfondies) qui ont effectué leur travail de recherche sur les tortues marines en vue d’obtenir leur diplôme ont été recrutés, l’un était basé à Mani et l’autre dans le village de Soublaké proche de Tabou. Tous les deux avaient une moto et équipement complet de biomonitoring grâce au projet.

 En arrivant à Grand Béréby pour démarrer le projet, les expectatives n’étaient pas bonnes et tout ceux que j’ai pu rencontrer nous pronostiquaient un échec retentissant compte tenue de la difficulté pour faire changer de comportement les populations. Nous nous sommes donc limités  dans un premier temps à observer et enregistrer les interactions entre les hommes et les tortues et quand c’était nous qui arrivions les premiers sur une tortue, la laisser partir (la tortue appartient à celui qui l’a trouvé). Grand Béréby à cette époque avait une assez triste mine, notamment la Baie des Sirènes était déjà presque fermée après la série de coups d’état avec  l’instabilité politique, ce qui faisait que le tourisme était au ralenti.

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 Les principaux témoins de ce qui a été fait ces années (le financement a duré trois saisons de ponte) sont en plus de moi : Simon Amoh de Bérébeach (+225 08 29 90 99) et bien entendu les deux étudiants Sory Bamba (+225 05 47 43 75) et Dr Karamoko Mamadou déjà décédé. Parmi les braconniers de cette époque, Clément Tabley Hou était déjà actif et s’est mis à collaborer avec l’étudiant Bamba Sory. Quant au niveau socioéconomique dans les villages, il y avait beaucoup de pauvreté. La chasse aux tortues n’aidait en rien à enrichir les populations, à ce qu’il me semble. La culture de l’hévéa était naissante, à cette époque chacun avait encore sa parcelle pour cultiver le riz, etc. A Mani, à part une seule personne (le vieux GBA Kla Felix dit Anyaman, aujourd’hui decedé, qui ne vivait que de la chasse aux tortues et de la cueillette des produits trouvés sur la plage), le braconnage était pratiqué de façon sporadique par presque tout le monde, y compris les femmes. Même constat de l’autre côté de la plage, à Pitiké et Kablaké. En sortant de nuit sur la plage, vous pouviez croiser entre trois ou quatre personnes à la recherche de tortues. L’ambiance n’était nullement agressive.

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 J’essayais d’aller une fois par mois depuis Abidjan pendant une semaine pendant la saison de ponte. Je venais à la gare de Adjamé le matin, je prenais le car de la compagnie « Aicha ni Mory » et je pouvais arriver  à Grand Bereby vers 17-18 heures, même si parfois on arrivait la nuit. Je louais une voiture à Simon Amoh et on allait voir les tortues jusqu’a 2-3 heures du matin et même au-delà.

 Ce projet de conservation de tortues avec PNUD FEM n’a pas été renouvelé à Grand Béréby mais à Jacqueville et Dassioko, voilà pourquoi nous avons dû arrêter nos activités entre la période 2005-2010. J’ai tenté d’obtenir sans succès des financements. Après plusieurs tentatives ratées depuis peut être 2006, c’est en 2010 que FWS nous a accordé un premier financement de 25 000 USD pour travailler la saison de ponte 2010-2011 grâce encore une fois à l’aide d’Angela. Je me suis encore adressé  à l’Université dans le but d’obtenir un étudiant en DEA et c’est Alexandre Dah qui a été disponible, il est venu, a logé chez l’un des enseignants de Mani et a commencé le travail et ce jusqu’a aujourd’hui…car FWS continue de nous soutenir. L’idée de création d’une Réserve marine était déjà présente dans nos projets à FWS depuis le premier projet approuvé en avril 2010. Cette idée a mûri petit à petit jusqu'à arriver à l’Aire Marine Protégée. On sentait que c’était jouable car dans les bureaux de la DEPN avait un grand kakemono parlant de la volonté du gouvernement de créer des AMP.

 En 2010 encore, les esprits n’avaient rien changé à Grand Béréby. Les tortues étaient tuées partout et impunément. On nous prédisait encore l’échec total. Côté socioéconomique, même si les plantations d’hévéa étaient déjà en production, on ne sentait pas une amélioration du niveau de vie ni dans les villages ni a Grand Bereby.

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 Avec cet appui de l’US Fish and Wildlife Service (USFWS), un programme de protection des tortues femelles et des nids ainsi que de sensibilisation des communautés riveraines des sites de ponte de tortues marines a été mis en place. Afin d’encourager les populations à ne plus chasser les tortues, des initiatives visant à améliorer les conditions de vie des populations ont été développées avec plus ou moins de réussite en échange de leur renonciation à dorénavant tuer ces tortues, mais mieux, de leur implication dans les actions de conservation de ces animaux.

 Ainsi, on a pu doter plusieurs communautés riveraines d’un système d’adduction d’eau potable composé d’une pompe solaire, d’un château d’eau d’environ 20 m3 et de 6 robinets disséminés dans les villages. Nous avons approché la Fondation Orange, qui a accepté d’intervenir dans la zone avec ce qu’ils appellent ‘projet village’. C’est ainsi que Roc a bénéficié d’un dispensaire avec forage et d’une école primaire avec les logements des enseignants et de l’infirmier.

 D’autres villages ont bénéficié de systèmes d’électrification solaire, des lampes solaires, de réfection d’école, de construction de centres communautaires, de broyeuses de manioc, de programmes de consultations médicales gratuites et don de médicaments. Sans compter qu’en 2020, CEM emploie 20 personnes pour les travaux de tortues marines, 6 personnes pour la conservation de la foret de l’embouchure de la Dodo, en plus de 3 personnes travaillent dans notre siège. 

 Grâce à ces actions, une baisse presque totale dans la fréquence des actes de braconnage a été observée dans la zone de mise en œuvre des activités qui comprend la zone littorale la plus concernée par des pontes de tortues marines (c'est-à-dire la portion du littoral comprise entre Grand Béréby et Kablaké Wapo).

 Des comités de sauvegarde des tortues ont été crées ainsi qu’un système de surveillance nocturne des tortues afin de protéger les femelles venant pondre, d’assurer la protection des nids laissés sur la plage et assurer le relâcher des nouveaux nés.

 4 écloseries ont été construites et les capacités techniques de la Police Maritime renforcées en vue d’assurer une surveillance accrue des ports de pêche et de libérer les tortues prises dans les filets. Par ailleurs, une loi coutumière relative à la protection des tortues a été élaborée de manière participative et validée par les acteurs concernés.

 Lors des campagnes de sensibilisation, nous nous efforçons de convaincre les populations qu’une tortue vivante peut rapporter plus qu’une tortue morte et cela notamment grâce à l’écotourisme. Le projet en cours de mise en œuvre prévoit notamment le développement d’activités éco touristiques en lien avec les tortues présentes sur les plages des villages concernés par le projet. Dans ce cadre, des partenariats avec des agences touristiques et des établissements hôteliers ont été établis afin que ces derniers inscrivent la visite de sites de ponte de tortues ou de relâcher de bébés tortue dans leurs offres touristiques.

 Finalement, en 2015 l’ONG CEM a vu le jour. Auparavant on travaillait sous la coupole d’une ONG appelée SOS-Forêts. Donc cela fait 10 années de travail ininterrompu à Grand Béréby. La conséquence de notre action nous pouvons la résumer en disant que grâce à l’appui des partenaires tels que FWS, Rainforest Trust, Exeter University, CEM a été capable de faire intégrer la notion de conservation dans le esprit des habitants de la zone, c’est a dire que maintenant la conservation est perçue comme une solution très envisageable pour améliorer les conditions de vie, alors que auparavant à Grand Béréby, tout comme partout en Côte d’Ivoire, la seule possibilité pour avoir une vie meilleure était l’exploitation la plus rapide possible de toutes les ressources à sa portée. Il a eu un changement de mentalités et de comportement remarquable dans une grande partie de la population. C’est tout cela qui a fait possible que Grand Béréby soit la première Aire Marine Protégée en Côte d’Ivoire et tous les pays environnants, et il me semble qu’aucune autre AMP n’est proche d’être crée au moins dans les quelques années à venir (mais cela est uniquement mon point de vue).

Nom complet : DAH Alexandre, né le 21/04/1982, je suis titulaire d’un master en écologie tropicale, option Animale (Etude des tortues marines) de l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody depuis 2013. Aujourd’hui Doctorant dans cette même université avec pour thème les tortues marines. Titulaire d’un D.U. (diplôme universitaire) en Gestion des Aires protégées avec l’université de Senghor, je fais la rencontre de José Gomez, en 2010, pour des études sur les tortues marines pour le DEA. Ainsi, j’arrive pour la première fois à Grand-Béréby, en octobre 2010. Avec courage et détermination nous avons pu travailler dans cette magnifique zone, mais avec un taux de braconnage élevé. Le point marquant fut après la crise post-électorale de 2011, où il fallait prendre une décision de pouvoir continuer les travaux dans une zone qui fut meurtrie par la crise. La détermination avec laquelle nous travaillons au départ (moi et Tabley Hou Clément sur environ 20 kilomètres entre Dawa et Kablaké) à Mani et l’encouragement de quelques rares villageois, me faisait dire qu’il y avait un coup à jouer. Ainsi de deux nous passions à trois, puis six après ajout des villages de Dawa, Pitiké et Kablaké en 2012. Aujourd’hui l’équipe de techniciens est à plus de 20 personnes, comme l’a souligné José dans son récit grâce aux différents partenaires.

Au cours de la saison 2012-2013, nous décidons de nous faire accompagner par la Police Maritime, à travers les sensibilisations, cette intervention va favoriser  la réduction du braconnage avec à la clé les projets sociaux qui viendront booster plus la conservation de ces espèces. En 2014, CEM est créé afin de mieux orienter nos objectifs et être maître des décisions à prendre.